Principales autres hémoglobinoses

Tous les détails sur les hémoglobines anormales sont disponibles via la base de données https://globin.bx.psu.edu/hbvar/menu.html

RAPPEL

Les maladies héréditaires de l’hémoglobine se partagent en 2 grands groupes :

* les thalassémies : les chaînes sont normales mais leur synthèse est diminuée (voir enseignement spécifique).

* les hémoglobinopathies, où une chaîne d’Hb est structuralement anormale, induisant :

                - une anémie hémolytique : HbS, HbC

                - une hémolyse chronique : Hb instables

                - une polyglobulie : Hb à affinité augmentée pour l’O2

                - une cyanose : Hb à affinité diminuée pour l’O2, methémoglobinémie (le fer est maintenu à l’état ferrique).

                - souvent la mutation n’entraine aucune anomalie et l’Hb est fonctionnellement normale et est cliniquement silencieuse : la découverte est alors fortuite.

Dans  près de 90% des cas d’hémoglobinopathies, il s’agit de la substitution d’un AA par un autre. La nomenclature définit la mutation : par exemple HbS β6 (A3) glu → val signifie mutation d’une glu contre une val au 6ième AA (le 3ième sur la région A) de la chaîne β

Plus rarement il s’agit de substitution de 2 AA, d’une délétion d’1 AA ou d’une chaîne allongée

12CLes Hb anormales étant très fréquentes dans la population originaire d'afrique subsaharienne, il faut interpréter avec prudence les résultats des électrophorèses de l’Hb , car par exemple les Hb C, E et A2 migrent au même niveau à pH alcalin.

Il existe des doubles hétérozygotes (ou hétérozygotes composites), soit entre 2 chaînes β anormales (par exemple S/C) soit entre Hb anormale et thalassémie a ou β. Ceci se traduit par des différences avec les pts simplement mutés. Notamment la thalassémie induit une diminution de synthèse de chaînes et la quantité d’Hb anormale est moindre que celle attendue chez l’hétérozygote.

                 Les Hb anormales les plus importantes sont : Hb S, C, D (Pundjab ou Los Angeles), E, et O Arab (Europe de l’est, gitans).

Hémoglobinose C

α2 β2      6 glu → lys

S’observe essentiellement en Afrique de l’Ouest.

1. Hémoglobinose C hétérozygote (trait Hb A/C)

Clinique :                                        maladie inapparente

Hémogramme :                               Hémoglobine normale basse (12 – 15 g/dL) ; VGM normal bas.

                                                     Leucocytes et plaquettes = Nb normal

                                                     Réticulocytes = Nb normal

Electrophorèse de l’Hb :

Hb A = 60 – 70 %

Hb C = 25 – 45 %

 

Hb A2 = 1 – 4 %

Attention : les Hb C, E et A2 migrent au même niveau à pH alacalin (séparation avec la chromatographie).

2. Hémoglobinose C homozygote (Hb CC)

Clinique :                                   splénomégalie modérée

                                                Complication fréquente : lithiase biliaire

                                                syndrome anémique modéré

Hémogramme :                         hémoglobine = 10 – 12 g/dL

                                               Microcytose : VGM = 65 – 70 fL

                                               Réticulocytes = 100 – 200 G/L

Sur frottis sanguin : Hématies en cible  = 50 – 90 %, avec quelquefois des sphérocytes et parfois un cristal d’Hb (anguleux, polyédrique) dans quelques GR.

Autres :                               Augmentation de la résistance osmotique des GR (comme toutes les situations avec nombreuses H en cible).

Electrophorèse de l’Hb :

Hb A = absente

Hb C > 90 %

 

Hb F = 3 – 8 %

La coexistence avec une alpha thalassémie = HbF plus élevée (10–20%).

Les Hb C/β thalassémie sont asymptomatiques chez les africains, mais l’anémie est modérée à sévère pour les patients du pourtour méditerranéen.

Hémoglobinose S/C : voir « drépanocytose ».

Hémoglobinose D

α2 β2      121    glu → gln

Appelée également Hb Los Angeles ou Punjab

Surtout retrouvée au nord de l’Inde

Attention : migre comme l’Hb S en milieu alcalin (différence en milieu acide)

Différence avec HbS : pas d’anomalie du test de falciformation

 

1. Hémoglobinose D hétérozygote AD

Absence d’anomalies cliniques et hématologiques (mais nombreuses hématies en cible)

Seule l’électrophorèse de l’Hb est anormale : 25 – 40 % d’Hb D

2. Hémoglobinose D homozygote DD

Discrète splénomégalie

Parfois anémie discrète et légèrement hémolytique (réticulocytes = 100 – 200 G/L)

Nombreuses hématies en cible ; parfois discrète microcytose

Electrophorèse de l’Hb: > 95 % d’Hb D

Attention : ressemblance possible avec le double hétérozygote D / b0 thal : la microcytose est plus nette ; l’Hb A2 est augmentée et l’Hb F est > 10%.

Hémoglobinose E

α2 β2      26 glu → lys

La seconde hémoglobinopathie dans le monde après l’Hb S.

La mutation crée un nouveau site d’épissage, et cette hémoglobinose est parfois classée parmi le hémoglobinopathies thalassémiques.

Localisation géographique : Asie du sud est (Thaïlande, Cambodge, Laos ; jusqu’à 35% de la population est porteuse) : 30 à 50 millions d’individus porteurs.

NB : l’HbE confère une certaine résistance au paludisme.

 

Hémoglobinose E hétérozygote :

microcytose sans anémie

ou pseudo polyglobulie microcytaire

Hémoglobinose E homozygote :

microcytose avec

anémie absente ou modérée

N° GR (T/L)

5.5 – 6.5

5-6

Hémoglobine

Normale

12 – 15

VGM (fL)

65 – 75

55 – 65

CCMH (g/dL)

30 – 32

29 – 32

Leucocytes

Nb normal

Nb normal

Plaquettes

Nb normal

Nb normal

Morpho. GR

> 20% GR en cible

> 50% GR en cible

Réticulocytes

Nb normal

Nb normal

Electrophorèse de l’Hb

Hb E = 30 – 40 %

Hb A = 60 – 70 %

Hb E > 70 %

Hb F = 20- 30%

(mais quantité d’HbF plus faible si coexistence avec a thal)

L’hémogramme se rapproche de celui des alpha thalassémies : microcytose sans anémie ou anémie très modérée, mais ici avec nombreuses hématies en cible.

Diagnostic : avec l’électrophorèse de l’Hb et l’ethnie (se souvenir que l’Hb E migre au niveau de l’Hb A2 et de l’Hb C en mileu alcalin).

Double hétérozygote E / β0  ou E / β+  thalassémie : aspect de thalassémie intermédiaire ou modérée (absence d’Hb A dans le premier cas).

Autres hémoglobinoses.

Hb avec augmentation de l’affinité pour l’oxygène.

Plus de 100 variants différents.

On suspecte le diagnostic devant une polyglobulie vraie (avec masse globulaire totale augmentée ; Hb et Hte sanguins augmentés) isolée ou de caractère familial. L’évolution est souvent chronique.

Diagnostic différentiel : Maladie de Vaquez, autres polyglobulies vraies, déficit en 2,3 DPG mutase.

Hb avec diminution de l’affinité pour l’oxygène.

Une cinquantaine de variants. Les patient sont la forme hétérozygote (homzygotie en général léthale).

On suspecte le diagnostic devant une cyanose marquée sans anémie.

Hb instables.

Maladies rares, avec plus de 80 variants. La moins rare est l’Hb Cologne, distribuée partout dans le monde.

Les mutations provoquent une altération de l’interaction hème –globine. Les dimères de globine ayant perdu leur hème s’oxydent en formant de la methémoglobine. Celle-ci précipite sous la forme de corps de Heinz, et les GR en contenant sont phagocytés dans la rate, soit totalement soit en partie, provoquant la formation de microsphérocytes par perte de membrane.

On suspecte le diagnostic chez un patient présentant une AH chronique avec urines sombres.

L’anémie n’est pas constante.

Pour l’Hb Köln (Cologne), il existe une splénomégalie avec anémie régénérative, et 10 – 25 % d’Hb Köln à l’électrophorèse.

Frottis sanguin : montre parfois des microsphérocytes.

Recherche de corps de Heinz : pas toujours positive (surtout positive après splénectomie). Ici on trouve 1 seul gros corps de Heinz, à la différence des corps de Heinz induits par les toxiques, où il y a 2 à 3 petits grains).

Electrophorèse de l’Hb : pas facile à interpréter (trainées, pas toujours des bandes bien definies).

Pour les quelques formes sévères, la splénectomie est envisagée, efficace dans la moitié des cas.

Methémoglobinémies.

Le fer de l’hème est ici à l’état ferrique.

On évoque le diagnostic de methémoglobinémie constitutionnelle chez un patient montrant une cyanose chronique (plusieurs variants).

D’autres maladies rares sont associées à une methémoglobinémie (déficit en cytochrome b5 réductase).

Les methémoglobinémies acquises sont le plus souvent liées à un agent toxique ou un médicament oxydant (disulone, primaquine) qui oxyde l’Hb en dépassant les possibilités de réduction par les enzymes érythrocytaires. Les patients ont cyanose (acquise), une anémie modérée à sévère, à corps de Heinz, avec 15 – 30 % de methémoglobine.

L’arrêt du médicament est parfois suffisant, sinon l’emploi de bleu de méthylène IV est nécessaire.

Remarque : certains médicaments peuvent provoquer l’apparition de sulfhémoglobine (y penser quand la cyanose ne répond pas au bleu de méthylène).

Interprétation du tracé électrophorétique au cours des hémoglobinopathies

L'exploration d'une hémoglobinopathie au laboratoire nécessite un minimum de renseignements associés:

                hémogramme récent

                histoire du patient, incluant: âge (l'interprétation des tracés diffère chez le nouveau-né et chez l'adulte), origine géographique, circonstances justifiant l'examen (signes cliniques éventuels, dépistage d'un hétérozygote asymptomatique dans le but d'un conseil génétique,…)

Quelques précisions préanalytiques:

- Eviter de réaliser l'analyse si une transfusion a été réalisée depuis moins de 4 mois

- En cas de carence martiale la synthèse de chaînes minoritaires d'Hb peut être réprimée et peut fausser le résultat (notamment Hb A2).

Prélèvement:

- Sang total sur EDTA ou héparinate de lithium

- Analyser immédiatement si suspicion d'Hb instable (notamment HbH)

- Sinon on peut conserver le sang ou l'hémolysat 8j à +4°C, 1 mois à – 20°C, et 3-4 mois à – 80°C

- L'analyse est réalisée sur un hémolysat à l'eau distillée froide (hémolysat à 4% d'hb), après lavage des GR avec une solution isotonique (éliminer les protéines plasmatiques)

- La méthode la plus courante est l'électrophorèse en milieu alcalin pour le dépistage général. On utilise un coffret réactif qui est prêt à l'emploi.

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Interprétation générale:

- les hémoglobines A2, C et E (et Oarab) migrent au même niveau

- la présence de > 20 % d'Hb en A2 correspond à une autre hémoglobine (C,E, Oarab)

- les hémoglobines S et D migrent au même niveau : mais si la quantité est < 20% à ce niveau, penser à l’hémoglobine Lepore qui migre aussi à ce niveau

- l'absence d'HbA1 est signe d'une hémoglobinopathie majeure

Pour préciser la nature de l’hémoglobine en A2 on peut réaliser une électrophorèse en milieu acide :

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Références:

-Bardakjian-Lichau J et coll. Bonnes pratiques de l'étude de l'hémoglobine. Ann Biol Clin 2003;61:401-409.

- Oliver M et coll. Hémoglobinopathies. Diagnostic au laboratoire, pièges de l'interprétation. Expérience de l'Hôpital d'Instruction des Armées Laveran. Feuillets de Biologie 2008; 49:5-13.

- Rees DC et al. Sickle disease. The Lancet 2010, 376:2018-2031.

octobre 2011