Font partie des anémies hémolytiques acquises secondaires à une fragmentation des hématies (schizocytes)
Maladies liées à des microthromboses artérielles sur lesquelles viennent se briser les hématies circulantes, produisant des schizocytes. L’anémie observée est hémolytique, mécanique, régénérative, et souvent associée à une thrombopénie périphérique.
Maladies rares : la présence de défaillances d’organe aide au diagnostic positif et différentiel
1. Le syndrome hémolytique et urémique (SHU)
Défini par la triade :
- anémie hémolytique avec schizocytes,
- thrombopénie,
- atteinte rénale souvent sévère (oligo-anurie et hypertension artérielle).
Atteint 200-300 enfants chaque année, avant 15 ans, avec une incidence maximale avant 3 ans.
Le SHU typique post-diarrhée (D+) constitue 90% des SHU chez l’enfant. Soit sporadique soit épidémique, il est en général précédé d’une diarrhée aqueuse qui peut évoluer en colite hémorragique. Cette diarrhée précède de 5 à 7 jours la thrombopénie et l’hémolyse, et une oligo-anurie s’installe plusieurs jours plus tard.
Physiopathologie. Après un épisode de diarrhée infectieuse, une toxine (shigatoxine [STEC] provenant de Escherichia coli (souche O157:H7 le plus souvent), traverse la muqueuse digestive et se fixe sur un récepteur cellulaire, le céramide trihexoside, exprimé à un niveau variable selon les tissus, mais particulièrement exprimé chez l’enfant par les cellules endothéliales glomérulaires. Cette fixation altère le fonctionnement de ces cellules et provoque leur apoptose, avec libération du facteur Willebrand (à partir des corps de Weibel Palade). L’altération de la paroi des microvaisseaux glomérulaires et des artérioles rénales induit une adhésion des PLT et active la coagulation.
Remarques.
A côté de la forme typique il existe des formes variantes : SHU à STEC secondaire à une infection urinaire avec septicémie (enfants et adultes ayant une pyélonéphrite aiguë à shigatoxine), SHU lié à une infection à Streptococcus pneumoniae (La neuraminidase produite par les pneumocoques clive l'acide n-acétyl neuraminique des surfaces cellulaires et expose l'antigène T (Thomsen-Friedenreich cryptantigen) de la surface des globules rouges, des plaquettes et des cellules endothéliales glomérulaires. Des IgM préformées de l'hôte se fixent alors sur l'antigène T, aboutissant au SHU.
Par ailleurs les SHU liés à une infection à Shigella dysenteriae type 1 correspondent à la situation habituelle des SHU rencontrés en Asie et en Afrique (peuvent être rencontrées en France chez des patients revenant de ces pays ; souvent : choc septique associé, bactériémie dans 20 % des cas).
1.1. Diagnostic biologique
Hémogramme.
Anémie parfois sévère
Normochrome normocytaire [mais VGM un peu diminué si Nb élevé de schizocytes (petits GR), ou VGM un peu augmenté si Nb très élevé de réticulocytes (gros GR)].
Régénérative après 4-5 j (N° réticulocytes parfois > 400 G/L)
Présence de schizocytes sur le frottis sanguin (2 à 25 % des hématies ; positivité si >= 1%), et après quelques jours de microsphérocytes (schizocytes sphérisés).
Thrombopénie : modérée à sévère, parfois
Hyperleucocytose : fréquente, réactionnelle (polynucléose neutrophile, petite myélémie) ; quelques érythroblastes circulants.
Bilan d’hémostase : à réaliser mais le plus souvent normal (TCA, TP, fibrinogène, D-dimères).
Bilan d’hémolyse anormal (bilirubine libre et LDH augmentées, haptoglobine effondrée) ;
Biopsie rénale : n’est pas nécessaire pour poser le diagnostic de SHU D+ de l’enfant.
Bilan biochimique général : pour préciser l’insuffisance d’organe (ionogramme sanguin et urinaire avec créatinine, protéinurie des 24 heures, bilan hépatique).
Bilan bactériologique : isolement des souches bactériennes dans les cultures de selles, détection par PCR dans les selles des gènes de virulence des STEC, recherche d’anticorps sériques IgM anti-lipolysaccharides (LPS) des 8 sérogroupes de STEC les plus fréquents (cf « laboratoires de référence »).
1.2. Traitement
Le traitement symptomatique est systématique, quel que soit le type de SHU.
On traite l’HTA, on corrige la déshydratation et l'hypovolémie au stade de la diarrhée, on réalise une épuration extrarénale préventive, chaque fois que possible, avant les complications de l'insuffisance rénale aiguë. Pas d’échanges plasmatiques.
Modalités transfusionnelles : maintenir l’Hb autour de 8 – 10 g/dL.
Antibiothérapie : uniquement si infection à Shigella dysenteriae type 1 (il semble que les antibiotiques donnés au stade de la diarrhée augmentaient le risque de SHU, probablement par libération des toxines lors de la lyse bactérienne).
Surveillance étroite des symptômes neurologiques, digestifs graves, cardiaques.
Pronostic : bon chez la plupart des enfants, avec mortalité
C’est la première cause d’IRA chez l’enfant de 1 mois à 3 ans. Chez les enfants plus âgés le tableau peut être différent : pas de prodrome infectieux, pas d’anurie, protéinurie importante, hypertension, évolution avec rechutes, et risque plus important d’évolution vers une insuffisance rénale chronique sévère (tableau proche de celui du PTT : voir plus loin).
2. le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT)
L’AH avec schizocytes et la thrombopénie sont associés à un ou plusieurs autres signes :
- insuffisance rénale ou non,
- fièvre,
- troubles neurologiques,
- symptomatologie abdominale (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs),
- signes cardiaques (fréquents et sous-estimés), HTA (parfois maligne).
On en distingue 2 formes :
Le PTT acquis. Incidence : environ 4 cas/106 H/an. Essentiellement chez l’adulte (qq cas chez l’enfant).
Lié dans la majorité des cas à l'existence d'anticorps dirigés contrela protéine ADAMTS13, responsable à l’état normal du clivage des multimères de facteur Willebrand (vWf) de haut poids moléculaire (voir plus loin).
Il n’y a pas d’étiologie unique : idiopathique = 30%; liée au HIV = 30%; cancers = 10% ; autres = 30 % [incluant LEAD, infection E coli, sclérodermie, grossesse et post partum (HELLP syndrome, toxémie gravidique, pré éclampsie et éclampsie), contraception, post-transplantation rénale ou autres (moelle osseuse), induit par les médicaments (mitomycine C, tamoxifène, tacrolimus, cyclosporine A)…].
Le PTT héréditaire (Maladie de Upshaw Schulman). Beaucoup plus rare, avec signes pouvant survenir à tout âge. Maladie congénitale par mutation inactivatrice sur les deux allèles du gène d'ADAMTS13 (transmission autosomique récessive). Un traitement à vie par transfusions de plasma corrige la symptomatologie.
Physiopathologie. A l’état normal le vWf est synthétisé par les mégacaryocytes et les cellules endothéliales sous forme de protéine multimérique libérée dans le plasma. Les plus grands multimères sont les plus actifs biologiquement. La taille de ces multimères est régulée par une métalloprotéase spécifique (appelée ADAMTS13), qui clive un pont peptidique et prévient l’interaction spontanée des plus grands multimères avec les plaquettes, limitant ainsi l’agrégation plaquettaire.
Dans le PTT on observe des altérations de l’endothélium avec occlusion des petites artérioles et capillaires par des caillots contenant de grandes quantités de vWf, et des multimères anormalement grands de vWf ont été observés. Les multimères de haut PM de vWf non clivés se fixent aux plaquettes, qui libèrent du thromboxane A2, s’agrègent entre elles, et induisent la formation de dépôts de fibrine. C’est sur ces microcaillots que les hématies se fragmentent. La protéase qui clive le WF est diminuée de manière congénitale ou acquise dans 90% des PTT
2.1. Diagnostic biologique
Hémogramme.
Anémie +/- sévère, parfois
Normochrome normocytaire et régénérative.
Présence de schizocytes sur le frottis sanguin : nombre moins élevé que dans le SHU de l’enfant (souvent 1 – 5 % des hématies).
Thrombopénie : modérée à sévère, pas toujours présente.
Hyperleucocytose : fréquente.
Autres.
Bilan d’hémostase : TCA, TP, fibrinogène, D-dimères. Le taux de D-Dimères peut être discrètement élevé. Une CIVD doit faire rechercher une pathologie maligne sous-jacente.
Myélogramme : uniquement si doute sur le caractère périphérique dela thrombopénie. Ilest en particulier réalisé chez patients ayant (ou chez lesquels on suspecte) une pathologie associée (infection par le VIH, pathologie maligne).
Bilan d’hémolyse anormal (bilirubine libre et LDH augmentées, haptoglobine effondrée) ;
Bilan biochimique général : pour préciser l’insuffisance d’organe (ionogramme sanguin et urinaire avec créatinine, protéinurie des 24 heures, bilan hépatique).
Anticorps antinucléaires (et anticorps anti-ADN natif et exploration du complément (C3, C4, CH50) en cas de positivité), anti phospholipides.
Sérologie VIH
Dosage des béta-HCG plasmatiques chez les patientes en âge de procréer ; enzymes hépatiques ; penser au HELLP syndrome (sera abordé dans le document consacré aux anomalies hématologiques au cours de la grossesse).
L’exploration biologique d’ADAMTS13 (ADAMTS 13 = a disintegrin and metalloprotease with thrombospondin type 1 repeats) est du domaine de la recherche clinique : il n’existe pas de test d’urgence mesurant l’activité d’ADAMTS13 (se rapprocher d’un centre de référence).
Le traitement du PTT est une urgence, et nécessite une hospitalisation en unité de soins intensifs.
Les échanges plasmatiques sont le seul traitement reconnu comme efficace (on échange environ 1,5 masse plasmatique, avec l’albumine humaine 5% puis le plasma viro-atténué par solvant-détergent, quotidiennement, jusqu’à disparition des souffrances d’organe et normalisation stable du taux de plaquettes (> 150 G/L)
2.2. Traitement symptomatique
Transfusion de concentrés érythrocytaires : maintenir un taux d’hémoglobine entre 8 et 10 g/dL.
Transfusions plaquettaires : contre-indiquées (sauf si saignement grave menaçant le pronostic vital immédiat), car risque de majoration de la formation de microthrombi ou de thrombose des gros vaisseaux.
Le traitement standard permet d’obtenir une guérison dans près de 80% des cas.
Une rechute peut survenir dans 20-30% des cas (on envisage un ttt immunomodulateur).
Le PTT est dit « réfractaire » en l’absence d’amélioration de la N° plaquettes après 5 jours de traitement. Les thérapeutiques immunomodulatrices permettent d’obtenir une réponse clinique et hématologique dans la grande majorité des cas, avec une correction partielle ou complète du déficit en ADAMTS13.
3. Les SHU atypiques (SHUa) (rares ; enfants et adultes)
Sans diarrhée, non liés aux STEC et sans l’étiologie habituelle des MAT (drogues, cancer, greffe de moelle, streptocoque…), sont dus à une dysrégulation de la voie alterne du complément, le plus souvent d’origine génétique, qu’il faut rechercher.
Associés dans 2/3 des cas à des mutations des gènes de 3 protéines régulatrices de la voie alterne du complément.
Exploration : dosage des C3, C4, Facteur H et Facteur I plasmatiques, étude de l’expression de Membran Cofactor Protein (MCP ou CD46) à la surface des leucocytes) à la surface des leucocytes, … (voir laboratoires de référence).
Des thérapeutiques ciblées sont proposées (eculizumab, anticorps monoclonal dirigé contrela fraction C5 du complément)
Décembre 2011